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Ils pêchent la haine
10 mars 2006

Les prêcheurs de la haine

En couverture
Islam radical : ils prêchent la haine

Interdit de séjour en Grande-Bretagne, Omar Bakri avait félicité les auteurs des attentats du 11 septembre et annoncé ceux de Londres.
Alors qu'en Grande-Bretagne se poursuit le procès de Abou Hamza, le prédicateur manchot, l'un des plus enflammés du « Londonistan » des années 1990, tous les pays européens se demandent aujourd'hui comment empêcher les « prêcheurs de haine » de nuire sans toucher aux libertés et aux droits publics. La France a eu toutes les peines du monde à expulser l' « imam de Vénissieux » qui défendait le droit des hommes à corriger leurs épouses. Les Pays-Bas n'ont pas réussi à obtenir du Conseil des oulémas batave une condamnation sans fard de la violence terroriste. Et en Belgique ? Pendant plus de vingt ans, les autorités ont laissé s e développer à Molenbeek une mouvance musulmane extrémiste qui a encouragé la ségrégation d'un quartier et de ses habitants. Avec des moyens répressifs sans cesse accrus, la police et la justice ont arrêté des militants tombant sous le coup de la loi. Mais la propagation d'idées extrémistes et la création d'un milieu favorable à leur mise en pratique n'ont pas bénéficié du même degré de priorité. Assez malin pour ne pas se mettre en délicatesse avec la loi, le Syrien Ayachi Bassam est devenu l'emblème d'une tendance politico-religieuse violemment réfractaire aux idéaux démocratiques. Le gouvernement a décidé de mettre fin au règne des « prêcheurs de haine », sans quitter les rails de la légalité. Il était temps.

Depuis 1992, un groupuscule extrémiste musulman a colonisé un quartier de Molenbeek (Bruxelles). Son gourou, le Franco -Syrien Bassam Ayachi, a toujours pêché en eau trouble. Récit d'une carrière éloquente

Depuis l'installation en Belgique de Bassam Ayachi, en 1992, l'extrémisme musulman a un visage. Tellement caricatural qu'on s'est longtemps abstenu de le regarder en face. Ce Syrien né à Alep, en 1946, se réjouit d'avoir les yeux bleus et les cheveux clairs d'un descendant de « roumi » (Romain). Mais, pas de doute, sous son keffieh rouge et blanc, c'est le gourou qui s'exprime, « cheikh Bassam », comme disent ses adeptes. Il est toujours entouré d'une garde rapprochée d'hommes de 30 à 40 ans, en combat shoes, parka et khamis, une tunique s'arrêtant à mi-mollets qui est supposée avoir été la tenue du prophète Mohammed. S'il ne serre pas la main des femmes, c'est qu'il reconnaît leur pouvoir de séduction, dit-il invariablement à celles-ci. C'était fin 2001, lors d'une interview au Centre islamique belge (CIB) de Molenbeek-Saint-Jean. Le 9 septembre, le chef de la résistance afghane, le commandant Massoud, avait été assassiné par un habitué du CIB, Abdessatar Dahmane, et un clandestin tunisien, Baraoui El-Ouaer, recrutés et formés en Belgique par Amor Sliti et Tarek Maaroufi. Ce dernier a été professeur de religion islamique payé, par la Communauté française de Belgique. En 2004, Sliti et Maaroufi ont été condamnés à sept et cinq ans de prison. Ayachi se défendait d'avoir rien su des projets de Dahmane, « un homme doux et gentil ». Il se répandait en bonnes paroles vis-à-vis de sa terre d'accueil, laquelle n'avait rien à craindre des musulmans rassurait-il, patelin. Pas comme les Américains.

Tarek Maaroufi, condamné en 2004. Une vieille connaissance de "Cheik Rassam".

De fait, dans le cadre de l'enquête sur l'aide à l'envoi de recrues dans la zone pakistano-afghane sous le régime des talibans, aucune charge n'a été retenue contre Ayachi. N'empêche. La personnalité de l'homme intrigue. Ayachi bénéficie de la double nationalité syrienne et française. Il débarque à Bruxelles après la faillite de son restaurant islamique d'Aix-en-Provence, poursuivi pour dettes fiscales. A peine arrivé dans la capitale, il tient des discours violemment antioccidentaux et contribue à faire connaître un lieu de prière nouvellement ouvert au 45 de la rue Vanderdussen, la mosquée al-Wa'î (la « prise de conscience », en arabe). Celle-ci est proche du Parti de la libération is lamique (PLI), le Hezb Tahir Al Islami. Ce mouvement ultra-secret a été créé à Naplouse, en 1952, par un dissident des Frères musulmans palestiniens, Takieddine Al Nabhani. Il vise la conquête du pouvoir par les armes et l'établissement d'un régime théocratique dans les pays musulmans, puis dans le monde entier. Rien d'original par rapport au programme des Frères musulmans, matrice de l'islamisme international, tel qu'il a été pratiqué tout un temps en Egypte (et en Syrie : voir le soulèvement armé des Frères, à Hama, en 1984). Ces dernières années, le PLI s'est développé au Moyen-Orient mais aussi en Turquie, en Asie centrale et en Europe, dans l'immigration musulmane. Depuis la guerre des Balkans, le PIL est très actif dans le soutien financier, l'envoi de combattants et la mobilisation en faveur des musulmans en guerre. Mais il est aussi très discret, au point que le mystère qui l'entoure lui vaut régulièrement le soupçon d'être manipulé par des services secrets occidentaux. Comm e Ayachi. L'explication est un peu facile. Mais sa longévité sur la scène islamiste belge, compte tenu de sa toxicité sociale, a quelque chose d'inexplicable.

Camps en Ardenne
Le recul historique permet d'établir un rapprochement entre son arrivée en Belgique et le développement d'une idéologie virulente et, dans le cas de certains individus, active dans le recrutement, l'assistance et la protection de terroristes. Depuis le début des années 1990, la justice belge égrène les affaires en rapport avec l'islamisme radical : démantèlement de cellules du GIA (Groupe islamique armé) algérien, recrutement de combattants afghans (« dossier Massoud »), préparation d'attentat contre la base américaine de Kleine Brogel (« dossier Trabelsi »), protection de militants étrangers soupçonnés d'avoir participé aux attentats de Riyad, de Casablanca et de Madrid (procès du Groupe islamique combattant marocain dont le jugement par le tribunal correctionnel de Bruxelles est attendu pour le 12 février prochain), envoi de kamikazes belges en Irak (affaire Muriel Degauque-Issam Goris, toujours à l'instruction), etc. Rien ne prouve que Ayachi ait trempé personnellement dans ces affaires. Néanmoins, il a été au cour d'un milieu idéologique qui n'y était pas - c'est le moins que l'on puisse dire - farouchement hostile.

Le Franco-Syrien a jeté son dévolu sur un quartier de Molenbeek, dans l'angle aigu formé par la gare de l'Ouest et la chaussée de Ninove. Deux ans après son arrivée en Belgique, Ayachi anime l'ASBL Jeunesse bruxelloise sans frontières (JBSF) et l'installe dans un immeuble voisin de la mosquée Al-Wa'î, laquelle, en 1996, sera rempla cée par l'ASBL Association culturelle et de solidarité. JBSB recrute surtout parmi les jeunes. Les filles et les garçons militent dans des branches séparées. La non-mixité est de rigueur. Les garçons participent à des camps en Ardenne, comme le feraient des scouts politiquement très orientés. Ayachi leur sert d'aumônier. Un aumônier très remonté. En 1995, ses diatribes contre l'emprisonnement des membres du « réseau Zaoui », soupçonnés d'avoir offert un soutien logistique au Groupe islamique armé (GIA) algérien, font déjà l'objet d'un rapport de police.

Sécurité renforcée lors de l'arrestation de cinq suspects, suite à "l'affaire Muriel", la femme kamikaze belge en Irak.
Le Centre islamique belge (CIB) proprement dit apparaît en 1997. Son siège, au 41 de la rue Vanderdussen, est le même que celui de Jeunesse bruxelloise sans frontières. Un an plus tard, il sera déplacé au 20 de la rue Vanderkindere, toujours à Molenbeek. Le premier président du CIB est un policier en exercice converti à l'islam. Il démissionne assez vite, en désaccord avec le radicalisme d'un petit groupe formé essentiellement de convertis. Bien que son nom n'apparaisse nulle part dans la galaxie des ASBL créées en marge du CIB, le « cheikh Bassam » est leur chef incontestable. Ayachi ne tient pas le discours identitaire feutré des Frères musulmans, avec qui l'on peut « dealer » contre des voix aux élections ou la paix dans la rue. Médiation prétendue qui n'a rien donné en France lors des émeutes d'octobre 2005. Rien à v oir, donc, avec la plus grande mosquée de Molenbeek, fondée par la branche syrienne des Frères musulmans, que le bourgmestre, Philippe Moureaux (PS), honore de ses visites. Ayachi n'a pas, non plus, la délicatesse des prêcheurs en cachemire moulés sur Tariq Ramadan, petit-fils du fondateur de la Confrérie des Frères musulmans. Il n'est pas, semble-t-il, très versé en sciences théologiques. Ses préceptes à lui relèvent de la propagande basique que, depuis les années 1950, les wahhabites diffusent dans le monde avec toute la puissance de leurs pétrodollars. Ils sont plus connus sous le nom de salafistes.

En juin 2000, des informations font état de la participation de membres du Centre islamique belge à des stages de parachutisme à Temploux, de leur fréquentation assidue d'un stand de tir à Jette ainsi que de l'organisation de camps d e type « survie » en Ardenne. Une information judiciaire a été ouverte au parquet de Bruxelles sur la base de la loi sur les milices privées. L'enquête est en cours. Mais nos « émirs » locaux continuent d'entretenir leur forme dans la forêt de Soignes. L'endoctrinement occupe une bonne partie de la vie des fidèles du CIB. Les conflits au Proche-Orient, en Tchétchénie ou en Irak fournissent aux télévisions satellitaires, aux radios de langue arabe et à Internet le motif d'un ressentiment sans fin. L'argent circule. Des bourses permettent à des jeunes gens d'aller se former dans les madrasas (écoles coraniques) les plus dures de Syrie ou de Médine (Arabie saoudite). A leur retour, leurs familles ne les reconnaissent plus. Ils refusent tout contact avec les femmes, leur mère exceptée, ce qui les rend encore plus dépendants du gourou qui leur fournira une épouse irréprochable sur le plan islamiste.

Le rôle des femmes
Le salafisme ne mène pas tout droit à la violence. Cependant, cette doctrine est un préalable au passage à l'acte. Depuis 2001, l'itinéraire du Tunisien Abdessatar Dahmane, l'un des deux assassins du commandant Massoud, est devenu un cas d'école. De son dossier, il ressort qu'après sa jeunesse estudiantine, il s'est « réislamisé sous l'influence de Tariq Ramadan, très présent à Bruxelles ces dernières années. Celui-ci dissuade ses auditoires de recourir à la violence, même en cas d'injustice manifeste, sauf pour reconquérir la Palestine. Mais, chez Dahmane, la petite « étincelle » s'est muée en feu de brousse au contact de militants purs et durs, du genre que l'on croise au CIB. Il éveille l'intérêt de la Sûreté de l'Etat au début des années 1990, lorsqu'il se met à fréquenter Tarek Maaroufi. Son départ pour l'Afghanistan, en 2000, ne passe pas inaperçu. A ce moment-là , Dahmane n'a commis aucun fait tombant sous le coup de la loi pénale et rien ne permettait de prédire qu'il accompagnerait une « bombe humaine », le jeune El-Ouaer, pour tuer Massoud. Où est l'erreur ?

Retrouvez l'intégralité de ce dossier dans la version papier.

Marie-Cécile Royen

20 janvier 2006

http://www.levif.be/CMArticles/ShowArticle.asp?articleID=1209&sectionID=2

http://www.7sur7.be/hln/cch/det/art_175240.html

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