10 mars 2006
Les prêcheurs de la haine
En couverture
Islam radical : ils prêchent la haine
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Depuis 1992, un groupuscule extrémiste musulman a colonisé un quartier de Molenbeek (Bruxelles). Son gourou, le Franco -Syrien Bassam Ayachi, a toujours pêché en eau trouble. Récit d'une carrière éloquente |
Depuis l'installation en Belgique de Bassam Ayachi, en 1992, l'extrémisme musulman a un visage. Tellement caricatural qu'on s'est longtemps abstenu de le regarder en face. Ce Syrien né à Alep, en 1946, se réjouit d'avoir les yeux bleus et les cheveux clairs d'un descendant de « roumi » (Romain). Mais, pas de doute, sous son keffieh rouge et blanc, c'est le gourou qui s'exprime, « cheikh Bassam », comme disent ses adeptes. Il est toujours entouré d'une garde rapprochée d'hommes de 30 à 40 ans, en combat shoes, parka et khamis, une tunique s'arrêtant à mi-mollets qui est supposée avoir été la tenue du prophète Mohammed. S'il ne serre pas la main des femmes, c'est qu'il reconnaît leur pouvoir de séduction, dit-il invariablement à celles-ci. C'était fin 2001, lors d'une interview au Centre islamique belge (CIB) de Molenbeek-Saint-Jean. Le 9 septembre, le chef de la résistance afghane, le commandant Massoud, avait été assassiné par un habitué du CIB, Abdessatar Dahmane, et un clandestin tunisien, Baraoui El-Ouaer, recrutés et formés en Belgique par Amor Sliti et Tarek Maaroufi. Ce dernier a été professeur de religion islamique payé, par la Communauté française de Belgique. En 2004, Sliti et Maaroufi ont été condamnés à sept et cinq ans de prison. Ayachi se défendait d'avoir rien su des projets de Dahmane, « un homme doux et gentil ». Il se répandait en bonnes paroles vis-à-vis de sa terre d'accueil, laquelle n'avait rien à craindre des musulmans rassurait-il, patelin. Pas comme les Américains. |
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Camps en Ardenne Le recul historique permet d'établir un rapprochement entre son arrivée en Belgique et le développement d'une idéologie virulente et, dans le cas de certains individus, active dans le recrutement, l'assistance et la protection de terroristes. Depuis le début des années 1990, la justice belge égrène les affaires en rapport avec l'islamisme radical : démantèlement de cellules du GIA (Groupe islamique armé) algérien, recrutement de combattants afghans (« dossier Massoud »), préparation d'attentat contre la base américaine de Kleine Brogel (« dossier Trabelsi »), protection de militants étrangers soupçonnés d'avoir participé aux attentats de Riyad, de Casablanca et de Madrid (procès du Groupe islamique combattant marocain dont le jugement par le tribunal correctionnel de Bruxelles est attendu pour le 12 février prochain), envoi de kamikazes belges en Irak (affaire Muriel Degauque-Issam Goris, toujours à l'instruction), etc. Rien ne prouve que Ayachi ait trempé personnellement dans ces affaires. Néanmoins, il a été au cour d'un milieu idéologique qui n'y était pas - c'est le moins que l'on puisse dire - farouchement hostile. |
Le Franco-Syrien a jeté son dévolu sur un quartier de Molenbeek, dans l'angle aigu formé par la gare de l'Ouest et la chaussée de Ninove. Deux ans après son arrivée en Belgique, Ayachi anime l'ASBL Jeunesse bruxelloise sans frontières (JBSF) et l'installe dans un immeuble voisin de la mosquée Al-Wa'î, laquelle, en 1996, sera rempla cée par l'ASBL Association culturelle et de solidarité. JBSB recrute surtout parmi les jeunes. Les filles et les garçons militent dans des branches séparées. La non-mixité est de rigueur. Les garçons participent à des camps en Ardenne, comme le feraient des scouts politiquement très orientés. Ayachi leur sert d'aumônier. Un aumônier très remonté. En 1995, ses diatribes contre l'emprisonnement des membres du « réseau Zaoui », soupçonnés d'avoir offert un soutien logistique au Groupe islamique armé (GIA) algérien, font déjà l'objet d'un rapport de police. |
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En juin 2000, des informations font état de la participation de membres du Centre islamique belge à des stages de parachutisme à Temploux, de leur fréquentation assidue d'un stand de tir à Jette ainsi que de l'organisation de camps d e type « survie » en Ardenne. Une information judiciaire a été ouverte au parquet de Bruxelles sur la base de la loi sur les milices privées. L'enquête est en cours. Mais nos « émirs » locaux continuent d'entretenir leur forme dans la forêt de Soignes. L'endoctrinement occupe une bonne partie de la vie des fidèles du CIB. Les conflits au Proche-Orient, en Tchétchénie ou en Irak fournissent aux télévisions satellitaires, aux radios de langue arabe et à Internet le motif d'un ressentiment sans fin. L'argent circule. Des bourses permettent à des jeunes gens d'aller se former dans les madrasas (écoles coraniques) les plus dures de Syrie ou de Médine (Arabie saoudite). A leur retour, leurs familles ne les reconnaissent plus. Ils refusent tout contact avec les femmes, leur mère exceptée, ce qui les rend encore plus dépendants du gourou qui leur fournira une épouse irréprochable sur le plan islamiste. |
Le rôle des femmes Le salafisme ne mène pas tout droit à la violence. Cependant, cette doctrine est un préalable au passage à l'acte. Depuis 2001, l'itinéraire du Tunisien Abdessatar Dahmane, l'un des deux assassins du commandant Massoud, est devenu un cas d'école. De son dossier, il ressort qu'après sa jeunesse estudiantine, il s'est « réislamisé sous l'influence de Tariq Ramadan, très présent à Bruxelles ces dernières années. Celui-ci dissuade ses auditoires de recourir à la violence, même en cas d'injustice manifeste, sauf pour reconquérir la Palestine. Mais, chez Dahmane, la petite « étincelle » s'est muée en feu de brousse au contact de militants purs et durs, du genre que l'on croise au CIB. Il éveille l'intérêt de la Sûreté de l'Etat au début des années 1990, lorsqu'il se met à fréquenter Tarek Maaroufi. Son départ pour l'Afghanistan, en 2000, ne passe pas inaperçu. A ce moment-là , Dahmane n'a commis aucun fait tombant sous le coup de la loi pénale et rien ne permettait de prédire qu'il accompagnerait une « bombe humaine », le jeune El-Ouaer, pour tuer Massoud. Où est l'erreur ? |
Retrouvez l'intégralité de ce dossier dans la version papier. |
Marie-Cécile Royen |
20 janvier 2006
http://www.levif.be/CMArticles/ShowArticle.asp?articleID=1209§ionID=2